René-Guy Cadou

Né au cœur du marais de Grande Brière, il est fils d’instituteurs laïques. Il grandit dans une ambiance de préaux d’écoles, de rentrées des classes, de beauté des automnes, de scènes de chasse et de vie paysanne qui deviendront plus tard une source majeure de son inspiration poétique :

Mon père s’y plaisait en costume de chasse, Nous y avions de tendres rendez-vous…

Puis viendra à 7 ans à Saint Nazaire la découverte de la ville et du cinéma populaire. En 1930 (il a dix ans), c’est le départ à Nantes pour le 5 quai Hoche, et pour le lycée Clémenceau. La mort de sa mère Anna le 30 mai 1932 plongera le tout jeune adolescent dans une mélancolie profonde. La nostalgie de Sainte Reine et de cette enfance terrienne, végétale et heureuse, mais aussi la ville et sa vie ouvrière, et la mort hanteront plus tard sa poésie.

En 1936, Cadou fait la rencontre de Michel Manoll, qui l’introduit dans les milieux poétiques et lui fait connaître notamment Max Jacob et Pierre Reverdy. La première publication ne tardera guère : Brancardiers de l’aube, en 1937, et ce seront désormais des années de poésie ardente, où l’ivresse de la création viendra se heurter à de nouvelles épreuves : la mort du père, la guerre, la débâcle. Mobilisé en juin 40, Cadou échoue dans la retraite, à Navarrenx puis à Oloron-Sainte-Marie où, malade, il est hospitalisé. Réformé le 23 octobre, il regagne la région nantaise où le hasard de ses nominations en tant qu’instituteur suppléant le conduit aux quatre coins du département (Bourgneuf notamment en 1941 où un buste de lui sera érigé, …). La poésie des premiers recueils est sans doute dominée par l’influence de Pierre Reverdy. L’expérience de la guerre l’orientera vers une expression beaucoup plus poignante et personnelle face à l’horreur : « Pleine Poitrine » marquera cette rupture avec le ton plus abstrait et reverdien des premiers recueils.

Le 22 octobre 1941, trois camions bâchés roulent vers la Sablière de Châteaubriant, transportant les 27 otages qui seront fusillés quelques instants plus tard : l’instituteur Cadou rejoint alors en vélo l’école du village où il enseigne et croise le chemin des otages. Les poèmes de « Pleine Poitrine » s’ancreront sur cet épisode terrible de la barbarie nazie, pour revendiquer dans ce ton si personnel de la poésie de Cadou, la liberté, l’amour, la fraternité des hommes…

C’est à Rochefort-sur-Loire, dans l’arrière boutique de la pharmacie de Jean Bouhier, que se retrouveront un groupe de jeunes poètes, en rupture avec le conformisme littéraire du régime de Vichy, et qui revendiqueront le droit de chanter l’amour de la vie. On y comptera René Guy Cadou, Jean Rousselot, Jean Bouhier, Luc Bérimont (qui fera tant plus tard comme écrivain et journaliste littéraire, pour faire connaître les poètes et la chanson poétique à texte), Marcel Béalu, Michel Manoll… Rochefort, une école littéraire. Cadou avait l’habitude de répondre

tout juste une cour de récréation.

Le 17 juin 1943, une jeune fille native de Mesquer, Hélène Laurent, elle-même poète, vient avec un groupe d’amis le voir à Clisson. Débute aussitôt une correspondance poétique et amoureuse ; il l’épousera en 1946 et la célébra notamment dans «Hélène ou le règne végétal». Nommé instituteur titulaire à Louisfert en octobre 1945, Cadou s’y installe et mène avec les gens du village la vie simple du maître d’école en sabots et pèlerine; et c’est la kyrielle des copains, « Les Amis de haut bord » qui, la classe terminée viennent saluer le poète. C’est après la classe que le poète pose la blouse grise d’instituteur et monte dans la chambre de veille : Cadou sait que le temps lui est compté, c’est dans cette petite chambre, qui s’avance telle la proue d’une navire sur « la grande ruée des terres » qu’il écrira en cinq ans une œuvre lyrique de première importance.

Mais bientôt la maladie va faire son œuvre inéluctable : interventions chirurgicales en janvier et mai 1950 suivies d’une période de rémission qui ne durera que le temps d’un été. Quelques jours après avoir signé Les Biens de ce Monde, René Guy Cadou meurt dans la nuit du 20 mars 1951, entouré d’Hélène et de Jean Rousselot qui était venu le voir par hasard.

Le temps qui m’est donné, que l’amour le prolonge.

Origines familiales

René Guy Cadou est le second enfant de Georges Cadou (1884-1940) et d’Anna Benoiston (1889-1932), tous deux instituteurs publics. Ils se sont mariés le 1er août 1910 et installés à Piriac-sur-Mer. Georges Cadou, mobilisé le 1er août 1914, a été soldat sur le front de l’est (en dernier lieu : sergent-major chargé du ravitaillement) jusqu’au 11 octobre 1918, date à laquelle il a failli perdre la vie lors d’un arrosage d’obus, comme dix des douze soldats qui se trouvaient là. Gravement blessé, il a été évacué et hospitalisé à Rochefort-sur-Mer où il a appris l’armistice.

A Piriac, ils ont eu un fils qu’ils ont appelé Guy et qui est mort très tôt. Le second fils a donc été prénommé, selon une coutume ancienne, René Guy.

La famille Benoiston est de Saint-Nazaire. La grand-mère de René Guy est veuve en 1924, mais elle a d’autres membres de sa famille sur place : son fils Emile, qui travaille à la compagnie d’électricité et la famille de son fils Isidore, marin. De Sainte Reine, les Cadou vont régulièrement passer le mercredi soir et le jeudi à Saint-Nazaire, qu’ils rejoignent en train par la ligne de la Brière.

La famille Cadou est du sud du département. Le père de Georges, instituteur et secrétaire de mairie, est mort très tôt ; sa mère s’est remariée avec un autre instituteur, grand-père adoptif de René Guy ; ils sont fixés au Pellerin et séjournent chaque année plusieurs semaines à Sainte Reine. Georges a un frère à Clisson, une sœur à Pornic et un autre frère qui après avoir fait l’Ecole normale d’instituteurs, s’est lancé dans d’autres activités, notamment la représentation commerciale.

L’enfance

Sainte Reine de Bretagne (1920-1927)

En 1920, ses parents sont instituteurs à l’école publique de garçons de Sainte Reine, commune des marais de Brière. Il naît dans l’école, et le lendemain son père le présente aux élèves de sa classe. A Sainte Reine, il vit une enfance heureuse. Dans son livre de mémoires, il ne parle pas des autres enfants du village, mais évoque surtout ses relations avec différentes personnalités locales : le maréchal-ferrant, notamment, chez qui il passe pas mal de temps, ou le comte de la Villesboisnet. Il grandit dans une ambiance de préaux d’écoles, de rentrées des classes, de beauté des automnes, de scènes de chasse et de vie paysanne qui seront plus tard une source majeure de son inspiration poétique : « Mon père s’y plaisait en costume de chasse, Nous y avions de tendres rendez-vous… ».

La nostalgie de Sainte Reine et de cette enfance terrienne, végétale et heureuse hantera plus tard sa poésie lyrique. En effet, en 1927, la famille part pour la ville, d’abord à Saint-Nazaire.

Saint-Nazaire (1927-1930)

Le départ pour Saint-Nazaire est vécu comme un déchirement ; à sept ans, la perception qu’il a de cette ville est en effet plutôt négative. Malgré tout, il va y trouver un certain nombre de nouveaux centres d’intérêt, en particulier le cinéma. Sa première séance de cinéma a eu lieu à Sainte Reine à l’occasion de la fête du 14 juillet 1927 ; à Saint-Nazaire, René Guy devient amateur de cinéma, sinon cinéphile : il fréquente régulièrement, le jeudi, la salle de l’Athénée. Il est particulièrement fasciné par le personnage de « Charlot, mon copain ». Au cours sa dernière année à Saint-Nazaire, il assiste à l’apparition du cinéma parlant, avec notamment Sous les toits de Paris ; un peu plus tard, il reçoit en cadeau un projecteur et des films qu’il projette à ses camarades. L’un d’eux lui fait découvrir la bande dessinée ; il aime particulièrement la série Le petit Buffalo qu’il suivra pendant cinq ans et la revue Cri-Cri. A la même époque, son père lui fait donner des leçons particulières de violon, dont le résultat paraît avoir été très décevant.

L’adolescence : Nantes (1930-1940)

En 1930, ses parents obtiennent une mutation à Nantes, son père devenant directeur de l’école du 5 Quai Hoche.

René Guy fait ses études secondaires au lycée Clemenceau, où un de ses condisciples est Sylvain Chiffoleau. Il est externe et fait quatre fois par jour, à pied, le trajet du quai Hoche au lycée. Il évoque son année de Sixième comme une période assez morne. A Nantes, il cesse de fréquenter le cinéma, dont l’accès lui est plus difficile qu’à Saint-Nazaire.

En mai 1932, il subit la mort de sa mère, qui le plonge dans une mélancolie profonde. A partir de là, il perd manifestement le goût des études et trouve un peu plus tard un refuge dans la création poétique, dont il a la révélation par son père.

En 1938, son père (remarié en 1935) tombe malade et est mis en congé ; la famille quitte le Quai Hoche pour le quartier Saint-Jacques au sud de la Loire. René Guy échoue au baccalauréat 1° partie en 1937, la réussit en 1938, mais échoue à la 2e partie en 1939. En 1939-40, il travaille de nuit au tri postal ; son père meurt le 31 janvier 1940.

Les débuts littéraires

Dans son livre sur René Guy Cadou, Michel Manoll indique que celui-ci a commencé à écrire des poèmes après que son père lui ait montré, vers 1933, ceux qu’il avait lui-même écrits dans sa jeunesse. Mais c’est leur rencontre qui oriente René Guy Cadou vers une poésie plus originale. Cadou fait connaissance avec Michel Manoll, qui est alors libraire près de la place Bretagne, au début de 1936 et est mis par lui en contact avec des Nantais intéressés par la littérature, comme Jean Bouhier, alors étudiant en médecine, et surtout Julien Lanoë. Par son intermédiaire, René Guy Cadou établit des relations épistolaires avec Pierre Reverdy et Max Jacob qu’il rencontrera une seule fois, en février 1940, juste après la mort de son père, à Saint-Benoît-sur-Loire. En 1937, il publie son premier recueil, Brancardiers de l’Aube, suivi de deux autres jusqu’à la guerre ; durant cette première période de création, en plus de sa scolarité assez difficile, il est confronté à de nouvelles épreuves : la mort de son père, la guerre, la débâcle.

La période de la 2° Guerre mondiale

Soldat puis instituteur

Il est mobilisé en juin 1940, et se retrouve dans les Basses-Pyrénées, à Navarrenx puis à Oloron-Sainte-Marie où il est hospitalisé. Il est démobilisé le 23 octobre 1940 et regagne la Loire-Inférieure où il va travailler comme instituteur suppléant. Le hasard de ses nominations le conduit aux quatre coins du département : Mauves-sur-Loire, puis, en 1941, Bourgneuf-en-Retz, où il retrouve son camarade et futur éditeur Sylvain Chiffoleau, mais aussi Saint-Aubin-des-Châteaux près de Châteaubriant, Pompas (commune d’Herbignac), Saint-Herblon, près d’Ancenis, Clisson, Basse-Goulaine et Le Cellier. Le 16 septembre 1943, il se trouve à Nantes au moment du premier grand bombardement, et échappe de peu à la mort.

L’école de Rochefort

En 1941, Jean Bouhier, installé comme pharmacien à Rochefort-sur-Loire, décide de regrouper quelques uns de ses amis autour de la publication d’une revue Les Cahiers de Rochefort. C’est chez lui que se retrouvent assez régulièrement un groupe de jeunes poètes, en rupture avec le conformisme littéraire du régime de Vichy, et qui revendiquent le droit de chanter l’amour de la vie. Outre Jean Bouhier, on y comptera René Guy Cadou, Michel Manoll, Jean Rousselot, Marcel Béalu et Luc Bérimont qui fera beaucoup plus tard comme écrivain et journaliste littéraire, pour faire connaître les poètes et la chanson poétique à texte. A la question : « Rochefort, une école littéraire ? », Cadou avait l’habitude de répondre : « tout juste une cour de récréation ».

La poésie du temps de guerre, Pleine poitrine

René-Guy Cadou, « La vie rêvée », 1944

Alors que la poésie de ses premiers recueils est dominée par l’influence de Pierre Reverdy, une correspondance très nourrie avec Max Jacob fait évoluer son écriture poétique, et l’expérience de la guerre l’oriente vers une expression beaucoup plus poignante et personnelle face à l’horreur : Pleine Poitrine marque la rupture avec le ton abstrait des premiers recueils. Le 22 octobre 1941, alors que René Guy Cadou se rend à bicyclette à l’école de Saint-Aubin-des-Châteaux, où il enseigne, il croise les trois camions bâchés qui roulent vers la carrière de la Sablière à Châteaubriant, transportant les 27 otages qui seront fusillés quelques instants plus tard. Les poèmes de Pleine Poitrine s’ancreront sur cet épisode de ce qu’il appelle « la barbarie nazie », pour revendiquer dans le ton si personnel de la poésie de Cadou, la liberté, l’amour, la fraternité des hommes…

 

Louisfert (1945-1951)

A la rentrée 1945, il est nommé instituteur titulaire à Louisfert, près de Châteaubriant. Cadou s’y installe et va mener avec les gens du village la vie simple du maître d’école en sabots et pèlerine. En 1946, il épouse une jeune fille originaire de Mesquer, qu’il a rencontrée en juin 1943 à Clisson : Hélène Laurent, elle-même poète, fille d’un couple d’instituteurs nantais. Il l’a célébrée dans « Hélène ou le règne végétal« . Louisfert, c’est aussi la kyrielle des Amis de haut bord qui, la classe terminée, viennent saluer le poète. Mais c’est aussi la poésie : après la classe, l’instituteur-poète pose la blouse grise et monte dans la chambre de veille. Il sait que le temps lui est compté. C’est dans cette petite chambre, qui s’avance telle la proue d’une navire sur « la grande ruée des terres » qu’il écrira en cinq ans une œuvre lyrique de première importance.

Mais bientôt la maladie va faire son œuvre : les interventions chirurgicales en janvier et mai 1950 sont suivies d’une période de rémission qui ne dure que le temps de l’été. Quelques jours après avoir achevé Les Biens de ce Monde, René-Guy Cadou meurt dans la nuit du 20 mars 1951.

René Guy Cadou est inhumé dans la même tombe que ses parents, au cimetière de la Bouteillerie à Nantes.

 

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